PRÉSENTATION

Autochtonies est un recueil de textes sonores « étrangement » poétiques qui interroge les résistances du français parlé confronté aux nouveaux arrivants.
« Jo soui coumanenfan. Coumcheparlpa le français bian jamais jo sor tout seul. Y a mon mari touchour y a mon mari ou y a ma fille qui parle moa. »
Laurent Colomb, dans la position du lecteur-interprète, déroule quelques-unes des formes les plus courantes de notre langue, métissées d'Asie, d'Afrique et d'Europe.
« Le silence de la parole c’est l’habitude de moi main’nant c’est compris chef la contente quand je me tus au travail… »
Antoine Denize tire partie de l'originalité orthographique des textes en créant un univers typographique animé, jouant des mots dans tous leurs sens en contrepoint de la performance vocale.

Extraits du spectacle 

 

Ce projet s’intéresse au renouvellement de notre patrimoine linguistique lié à la présence de populations étrangères. Notre langue évolue chaque jour et s’enrichie de mots neufs, de locutions héritées du regard que porte ces nouveaux habitants sur notre culture et sur leur quotidien.

Ce français brassé, aux expressions fulgurantes ou nonchalantes, au développement parfois souterrain, traduit la façon dont ces populations s’inscrivent dans notre société où un académisme linguistique est de rigueur. Posséder les formules – s’agirait-il de vrais sortilèges ? – qui ouvrent les portes du dialogue paisible et facilite l’obtention de ce que l’on désire, différencie les êtres et spécifie trop souvent l’attention qu’on est prêt à leur accorder.

De nouvelles formes d’expressions jaillissent des difficultés à dire et à personnifier les émotions, difficultés notamment basées sur des réflexes phoniques qui paraissent immuables. En tentant de s’approprier nos si étranges silhouettes vocaliques – observez combien les lèvres sont mobilisées en français… , « l’étranger » apporte un nouveau relief à ce patrimoine, capable d’en assouplir les contours, d’en modifier les formes.

L’exil, la mémoire, l’identité, l’altérité, la langue… sont quelques-uns des thèmes abordés à travers une écriture spécifique, au plus près des courbures et des figures de l’oralité.

Histoire du projet

 

Les monologues du spectacle sont pour la plupart inspirés des conversations de Laurent Colomb avec les apprenantes de la Maison des femmes d'Asnières-sur-Seine où il a effectué une résidence de 10 mois en 2012. (avec le soutien du CR d’Île-de-France).

Antoine Denize, artiste multimédia, collabore pour la troisième fois avec Laurent Colomb (Pousse-pousse à onomatopées 2005, Bouchabouch 2010) sur une proposition du Conservatoire de Montreuil à l'occasion du Festival Rencontre Inouïe. Le 9 novembre 2013, ils créent une première version multimédia du spectacle autour d’une sélection de textes du manuscrit autour du thème de l'apprentissage linguistique.

Le texte d’Autochtonies est publié aux éditions de l'Amandier.

Descriptif 

 

Foisonnant de néologismes et d’embardées sonores, chacun des monologues lus témoigne de la façon dont les populations migrantes, et en particulier les femmes, apprivoisent notre langue turbulente.

Hybride et enrichi de marques phoniques, si tant est que la voix puisse se lire, le manuscrit se rapproche d’une partition dans son rapport à l'oralité qu'il orthographie telle quelle. C’est cette dimension visuelle, invisible pour les auditeurs des lectures traditionnelles du texte, qu’Antoine Denize a utilisé pour composer un contrepoint typographique et rythmé, projeté en arrière plan de la scène à partir d’un clavier préparé. C’est dans un véritable décor textuel que le comédien évolue, dispositif proposant aux spectateurs de jouer du regard en va et vient pour attraper au vol les mots dans tous leur sens.

25 peaux recouvrent le récitant au début du spectacle, autant de personnages qu’il révèlera par un effeuillage rythmé, constituant au fil du jeu une carte de France bigarrée et polyglotte.